Bien que fondée au xe siècle pour recevoir les reliques de Saint-Exupère et de Saint-Leu, ce n'est qu'en 1658 que l’église Saint-Spire de Corbeil posséda un grand orgue.
Jusque-là ses ressources s’étaient trouvées insuffisantes pour permettre au chapitre d’acquérir le merveilleux instrument :
L’orgue, le seul concert, le seul gémissement
…Qui mêle aux cieux la terre.
Possédait-elle seulement un de ces petits orgues d’accompagnement appelés portatifs, régales ou positifs, comme on en voit dans quelques peintures anciennes et dans certains manuscrits des XIIe et XIIIe siècles? Rien ne nous le fait supposer. Ce qui est certain, c’est que l'église Saint-Spire possédait depuis longtemps, une maîtrise importante, c’est-à-dire une école de musique, dans laquelle des jeunes gens et des enfants, entretenus aux frais du chapitre, recevaient une instruction musicale complète et desservaient la musique de la collégiale, soit comme chanteurs soit comme instrumentistes.
« Quant aux enfants de chœur, a écrit un chanoine en 1643, qui, comme l’âme de la musique, tiennent le dessus,
sous la direction de leur maître symphonique,
ils donnent tant de grâce au chant et une vigueur si grande pour exciter le peuple à dévotion,
qu'ils ornent et accomplissent toute l'harmonie par leurs tons angéliques. »
La Maison du Petit Réfectoire et maîtrise des enfants de chœur de Saint-Spire se trouvait dans le Cloître. De nombreux actes nous révèlent les noms des maîtres de ces enfants de chœur,
Une note du 4 mai 1645, notamment, porte qu'il a été payé à M. Jacquet Bourlet, chantre et maître des enfants de chœur, la somme de 32 sols, pour gratification de messieurs du chapitre, pour la musique de la procession des Rameaux.
C'est le 5 juillet 1656, que le chapitre de l'église Saint-Spire de Corbeil, qui avait alors pour abbé, Jean Delaunay, fils du prévôt de cette ville, décida en principe de faire construire un orgue en cette église,
« pour rendre l'office divin plus solempnel et soulager le chœur ».
Par une délibération prise le 27 février suivant, le chapitre, mettant son projet à exécution, résolut et arrêta : « de faire faire l'orgue divisé en deux buffets et deux corps sçavoir: un positif et un aultre corps de grandeur convenable à l'église, tels qu'ils sont déclarés et spécifiés au devis qui en a esté présenté au chapitre, et le faire poser et placer au bas de l'église sur un jubé ou tribune qui serait faict exprès».[2]
Le chapitre fixa la dépense, tant pour l’orgue que pour le jubé, à la somme de 4 000 livres, lui provenant jusqu’à concurrence de 500 livres de la contribution des confrères porteurs de chasses, et pour le surplus des deniers des quêtes et oblations faites et à faire en l’église et aussi du reliquat du revenu de la fabrique, après le paiement de ses dépenses ordinaires.
Par la même délibération, procuration fut donnée à Me François Asselin, l’un des chanoines, à l’effet de contracter en son nom particulier les marchés et traités avec les facteur et autres ouvriers pour la confection des ouvrages, devant le notaire ordinaire du chapitre, et en présence de deux chanoines, étant bien entendu que le chapitre ne pouvait être obligé au-delà des 4 000 livres prévues.
Le chanoine Asselin se mit immédiatement en mesure de remplir sa mission…
Dès le 15 mars 1657, par un premier marché intervenu devant Me Aubry, notaire à Corbeil et celui du chapitre, en présence de Jean Cheminée et Nicolas Regnault chanoines, et après établissement d’un devis, Me Asselin traita pour la construction du grand orgue avec Guy Joly, facteur d’orgues, demeurant à Paris, rue de la Cossonnerie, paroisse de Saint-Eustache, à l’enseigne des Trois-Rois.
Joly était un homme habile et expérimenté dans son art, auteur d’autres instruments célèbres. Le choix du mandataire du chapitre ne pouvait être meilleur.
Par ce contrat Guy Joly reconnaît et confesse avoir fait marché et promis à Me Asselin de faire:
Un orgue divisé en deux corps mentionnés au devis et de fournir par lui tout ce qui conviendra pour la construction desdits ouvrages et de rendre le tout fait et parfait,
placé et prêt à jouer, au dire d’experts et gens à ce congnoissans ; et garantir les ouvrages l’espace d’un an, après qu’ils seront achevés et jusques à ce qu’ils soient receus,
auquel temps il sera tenu, comme il promect de raccorder le dict orgue et le mettre en bon estat, aussy au dire d’experts et gens à ce congnoissans.
Le marché était consenti pour le prix de 3800 livres tournois, payable 200 livres comptant, le surplus au fur et à mesure de l’avancement des travaux.
Il est spécifié au contrat que Guy Joly fera et fournira tout d’abord pour le prix de 1 200 livres le positif du petit corps d’orgue composé de neuf jeux, sommier, clavier, son buffet avec les trois soufflets et choses nécessaires indiquées au devis... Ce positif devait être terminé pour le jour de la Toussaint suivant (1657), et posé sur le jubé que le chapitre s’était engagé à faire établir.
Le chanoine Asselin était prudent: par une clause finale de l’acte, il est dit que,
le positif terminé, il sera loisible au chapitre de faire achever le reste des ouvrages portés par le devis quand bon lui semblera,
et à plusieurs et diverses fois ; divisant pareillement le prix qui en restera en plusieurs parties, à proportion de l’ouvrage, savoir:
pour le buffet du grand orgue, la montre, gros et petit bourdon, quatre pieds, deux pieds,
fourniture, cymbale et trompette pour la somme de quinze cent cinquante livres ;
et pour le nazard, flûte, quarte de nazard, tierce, flageolet, cornet, clairon et voix humaine la somme de cinq cents livres;
et pour les deux jeux: d’échos et de pédales, la somme de cinq cent cinquante livres,
revenant le tout à la somme prévue de trois mille huit cents livres.
Le devis joint au contrat nous donne l’énumération des travaux que Guy Joly devait exécuter ainsi que de tous les jeux de l’instrument,
le détail de leur installation et de leur fonctionnement. Il devait fournir notamment :
I. Pour le grand corps d’orgue, c’est-à-dire pour le corps qui offre le plus grand développement et qui parle avec plus d'éclat:
- 1° sept jeux composant le plein jeu et faisant douze tuyaux par touche, soit: un jeu de montre de huit pieds ouvert en résonnance, d’étain fin, poli et bruni ;
- 2° dix autres jeux;
- 3° Le jeu de pédales composé de 29 tuyaux et flûtes ouvertes, autant de trompettes de huit pieds, un marchepied de 29 marches, un sommier, ses registres.
II. Pour le positif ou petit corps d'orgue, celui ayant le moins de sonorité:
- une montre de quatre pieds, ouvert en résonnance, d’étain fin, poli et bruni, dont le gros tuyau de quatre pieds sera le gros, et sept autres jeux.
III. Deux sommiers complets de bois de chêne, l'un pour le positif, l’autre pour le grand orgue, propres et capables de faire jouer tous les jeux avec les registres.[3]
IV. Deux claviers neufs contenant chacun 48 touches couvertes d’os et d’ébène, deux rossignols.
V. Trois bons soufflets de bois de chêne, doublés et plein de parchemin et garnis de cuir. On voit par là que la soufflerie qui est la poitrine de l’orgue n’avait pas été négligée.
Enfin, Guy Joly devait fournir également deux buffets capables de contenir aisément tous les jeux, les volets servant à la clôture des corps d’orgue, en bon bois de chêne, sec et sans aubier, disposés conformément au dessin.
Par un second contrat intervenu le 12 mai 1657 [4], le chanoine Asselin faisait marché avec Jacques Noirault, maître charpentier à Corbeil,
pour la construction du plancher devant servir à soutenir un jubé ou tribune pour poser les orgues.
Noirault s’engage à faire de neuf les ouvrages conformément au devis établi, le tout fait et assemblé suivant l’art de charpenterie, et à fournir le bois de chêne, beau, loyal et marchand avec nombre d’ouvriers suffisants pour y travailler, à commencer dès la semaine suivante, sans aucune discontinuation, jusqu’à l'entière perfection de l’ouvrage.
Le devis indique que le plancher doit être construit « partie dans œuvre du clocher et partie dans la nef de l’église ».
Le prix est fixé à 330 livres-tournois, payable jusqu’à concurrence de 200 livres, quand le bois de chêne sera amené dans le cloître et pour le surplus à l’achèvement des travaux.
Quelques jours après, un autre marché intervenait entre le chanoine et Germain Pillon, menuisier ordinaire des bâtiments du roi, demeurant à Paris, rue de Bièvre, pour certains travaux de sa profession, à exécuter pour le buffet du positif de l’orgue, pour le pied du grand buffet et le lambris de l’appui et revêtement des poutres vers la nef.
Le marché s’élevait à 500 livres, sur lesquelles, 400 livres étaient payées le 13 août 1657 [5].
Enfin par un quatrième et dernier marché, conclu entre le chanoine Asselin et Nicolas Rimbert, maître menuisier à Paris, rue Bétizy, paroisse Saint-Germain-l’Auxerrois, à l’enseigne du Faroux, le 25 février 1659, Rimbert promit d’exécuter, d’une manière parfaite et complètement achevés pour la feste de la translation de Saint-Spire, « ce prochainement venant » moyennant la somme de 600 livres, les travaux de menuiserie pour terminer le grand buffet d’orgue de l’église [6].
Ces travaux consistaient notamment à faire le haut du grand buffet et à le poser sur le pied déjà fait et mis en place, savoir :
« deux grandes tourelles sur les deux côtés et une petite au milieu,
chacune d’icelles grandes tourelles ayant 22 pouces de diamètre entre les deux pilastres,
lesquels pilastres auront 4 pouces de largeur et 2 pouces et demi d’épaisseur, sur la hauteur de dix pieds,
à prendre de la corniche du pied des tuyaux jusque au-dessous de l’architrave d’en haut, lesquelles seront ornées de leurs corniches,
frises et architraves régnant tant par devant que par les côtés seulement,
avec daulmes et vases au-dessus, ayant leurs bases, culs de lampes, consoles et ornements, etc .
Faire la petite tourelle du milieu de 15 pouces de diamètre entre les pilastres, de 7 pieds de haut ».
Le dessin ne nous en a malheureusement pas été conservé.
De ce qui précède, il résulte que les dépenses nécessitées par la construction du grand orgue, installé et terminé en 1659, ont dépassé sensiblement, soit de 1230 livres, les 4 000 livres prévues par la délibération de février 1657. Mais le chapitre possédait, et même avant l’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés [7], un instrument suffisamment riche en jeux et puissant, pour être désormais associé aux cérémonies imposantes qui, souvent, se donnèrent dans son antique collégiale, et pour accompagner les chants qui montaient du sanctuaire.
Il possédait enfin ce majestueux instrument qui est la voix de l’église et comme l’écho du monde invisible, instrument qui inspira à notre grand poète Lamartine ces beaux vers:
On n’entend pas sa voix profonde et solitaire
Se mêler, hors du temple, aux vains bruits de la terre ;
Les vierges à ses sons n’enchainent pas leurs pas
Et le profane écho ne les répète pas
Mais il élève à Dieu dans l’ombre de l’Église
Sa grande voix qui s’enfle et court comme une brise
Et porte, en saints élans, à la Divinité,
L’hymne de la nature et de l’humanité.
Le chapitre de l’église Saint-Spire n’eut donc pas à regretter les dépenses qui lui furent occasionnées à ce sujet, et que, d’ailleurs il récupéra largement.
Nous ne pouvons préciser exactement, les documents faisant défaut, la date de l’inauguration de l’orgue, mais nous estimons qu’elle peut être fixée, si ce n’est le jour le la fête de la Translation des reliques de Saint-Spire, le 18 mai 1659, au plus tard au commencement de l’année 1660.
A la Révolution, on entendait encore dans la vieille collégiale les sons mélodieux et harmonieux des grandes orgues. Mais, le 4 novembre 1793, l’exercice du culte fut interrompu dans l’église Saint-Spire par les révolutionnaires, qui détruisirent l’intérieur de l’église. Ce n’est que le 7 juin 1795, le dimanche dans l’octave du Saint-Sacrement, qu’elle fut de nouveau ouverte au culte.
Les orgues qui avaient eu beaucoup à souffrir, furent silencieuses jusqu'au 25 mars 1800, où, après avoir été réparées, elles purent être utilisées.
En 1815, est-il mentionné au registre de la fabrique, l’orgue est depuis longtemps en mauvais état, des réparations, urgentes sont à faire; elles sont confiées à M. Dallery, facteur d'orgues de la Chapelle du Roi, et s’élèvent à 2 200 francs. Onze ans après, des réparations importantes y sont devenues nécessaires ; l’orgue est démonté, une partie du mécanisme est refait; on peut juger, par le devis des travaux, en quel piteux état se trouvait alors l’instrument fourni par Guy Joly.
Les réparations consistent, en effet, à :
« Démonter l’orgue dans son entier ainsi que le positif, à redresser les tuyaux de la montre pour être remis à neuf, ainsi que ceux du positif, à démonter, nettoyer et redresser tous les jeux, mettre les cornets d’accord sur les prestants et en parfaite harmonie; les tuyaux, la plupart coupés ou pliés seront remis en accord, et tous ouverts; les sommiers seront démontés, nettoyés ; les chappes, les registres et les soupapes seront regarnis en peau ; les touches redressées et les talons regarnis; les soufflets raccommodés en peau; les jeux de anches démontés et pourvus de languettes et rasettes; le jeu de cymbale, ayant été distrait des pièces du grand orgue, sera fourni et rétabli, le haut en étain, le bas en plomb, ce jeu se composera de 3 tuyaux de hauteur ; chaque jeu de cymbale sera payé sur le pied de 100 francs.»
Par délibération du Conseil de fabrique du 10 novembre 1826, les travaux évalués à la somme de 1500 francs, sont confiés à M. Cauchie, organiste, à Lyons-la-Forêt (Eure).
Après plus de deux siècles, le grand orgue construit par Guy Joly, fut détruit le 23 janvier 1871 par les soldats prussiens casernés dans l’église. Où passe le barbare, rien de ce qui est art ne doit subsister.
Quelle est donc l’origine de l’orgue qui se voit actuellement en l’église Saint-Spire de Corbeil ?
En 1876, cinq ans après la destruction de l’orgue, l’archiprêtre Dobigny [8], fut heureux d’apprendre au Conseil de fabrique, qu'un bienfaiteur anonyme, qui n'était autre que M. Aimé-Stanislas Darblay, ancien député de Seine-et-Oise, s'était engagé à donner dix mille francs, pour le rétablissement des grandes orgues, cette somme devant représenter éventuellement la moitié de la dépense, évaluée approximativement à 20 000 francs.
Il fut nécessaire également de reconstruire la tribune et le buffet du grand orgue; les travaux furent exécutés sur les plans de M. Laroche, architecte à Corbeil.
Le prix de ces travaux s’éleva, y compris la dépose et le remplacement de l’horloge de la tribune, à la somme de 6 949 fr. 92.
La réception du grand orgue eut lieu le 20 mai 1880.
Les experts étaient MM. Charles Vervoitte, inspecteur de musique dans les maîtrises et les écoles normales de France, et Auguste Bazille, organiste à Sainte-Elisabeth de Paris, professeur au Conservatoire, désignés par le Conseil de fabrique, et Eugène Gigout professeur de musique religieuse, célèbre organiste de l’église Saint-Augustin de Paris, celui-là même, dont on fêta, le 5 novembre dernier (1923) sous la présidence du cardinal Dubois, le soixantième anniversaire aux grandes orgues de cette église.
Du procès-verbal de cette réception, nous transcrivons les lignes suivantes:
En ce qui concerne la sonorité et l’harmonie des jeux, il n’y a que des éloges à adresser à M. Merklin ; l’égalité et l’homogénéité des différents timbres sont parfaits. La flûte harmonique du grand orgue et la voix céleste du récit sont parfaitement agréables.
Le mécanisme est très réussi en ce sens que les claviers sont faciles à jouer, quoiqu’il n’y ait point de levier pneumatique; les experts se plaisent à reconnaître la bonne installation de l’instrument.
L’instrument a été joué par MM. Bazille et Gigout, qui ont su faire apprécier la qualité et la délicatesse des jeux, pris isolément, ainsi que la réelle puissance de l’instrument.
L’inauguration de l’orgue eut lieu un mois après, sous la présidence de M. de la Tour, vicaire général.
Nombreux sont encore les Corbeillois ayant souvenance de la belle cérémonie qui eut lieu à cette occasion, en l’église Saint-Spire. Les assistants ne purent que confirmer l’appréciation des experts, après avoir entendu jouer non seulement M.Bazille mais aussi M. Lemasson, amateur distingué, alors notaire à Villeneuve-Saint-Georges.
En 1878, à la suite de nouvelles démarches de l’abbé Dobigny, deux nouveaux et généreux donateurs firent faire un grand pas à la souscription: MM. Galignani, auxquels Corbeil doit déjà tant, pour 3 000 francs et Mme Pastré, d’Evry, pour 300 francs; ces sommes étant doublées par M. Darblay, le chiffre total de la souscription se trouve être alors de 20 800 francs.
Le Conseil de fabrique décide de commander l'instrument. Trois facteurs d’un grand savoir en leur art, se trouvaient en présence: MM. Cavalié-Coll et Merklin, de Paris, et MM. Abbey frères, de Versailles.
Après examen des devis, la construction du grand orgue de l’église Saint-Spire fut confiée à la maison Merklin (30 octobre 1878).
Par la convention intervenue le même jour entre le Conseil de fabrique et M. J. Merklin, facteur d’orgue, ce dernier s'engageait à construire l’orgue de la tribune de l’église, moyennant la somme fixée au forfait de 20 000 francs, comprenant outre la construction de l’instrument, son emballage, son transport à Corbeil et sa pose ; mais il était spécifié qu’il serait remis à M. Merklin, les vieux matériaux étain et plomb, provenant de l’ancien orgue et se trouvant dans la tribune et dans le grenier de l’église.
M. Merklin qui garantissait la solidité et le bon fonctionnement de l’orgue pendant dix ans, s’engageait en outre à avoir terminé sa construction et son placement sur la tribune de l’église pour le 15 avril 1879.
La composition de l'orgue est la suivante :
-
1° clavier, grand orgue : 56 notes, 10 jeux.
-
2° clavier, récit expressif : 56 notes, 8 jeux.
-
3° clavier, pédales séparées: 27 notes, 4 jeux.
Total: 22 jeux. 4° série de 7 pédales d’accompagnement.
La soufflerie est à réservoir horizontal, alimentée par des pompes aspirantes et refoulantes, lesquelles sont mises en mouvement par des bascules pédales ; il y a en outre un soufflet régulateur pour l’alimentation spéciale des jeux du récit.
L’orgue porte en cartouche l’inscription suivante :
L’orgue de Saint-Spire de Corbeil, détruit le 23 janvier 1871, par les soldats prussiens casernés dans l’église,
a été reconstruit par les soins du conseil de fabrique au moyen d’une souscription publique,
due à la généreuse initiative de M. Aimé-Stanislas Darblay, ancien député.
Il a été bénit et inauguré le 20 juin 1880, Mgr Goux, étant évêque du diocèse, M. Dobigny, curé archiprêtre; M. J. Crété, maire,
Etant membres du conseil de fabrique:
M. Bernard, président; M. Jottay, trésorier; M. Dufour, secrétaire; MM. Barthélémy, Biais, Cros, P. Darblay, Delaunay, Lacroix.
M. Mercklin, facteur; M. Laroche, architecte.
En 1899, l’église Saint-Spire s’enrichit en outre d’un orgue de chœur, construit également par la maison Merklin; c’est un orgue électrique. Cet instrument est installé derrière le maître-autel. L’expertise en eut lieu au mois d'avril 1899. M. Schilling, organiste de Saint-Gervais de Paris, fut un des experts.
Cet instrument a été préparé pour être relié au grand orgue de la tribune, distant de 40 mètres, par un câble électrique, de manière que l’artiste placé à l’orgue du chœur puisse jouer l’orgue de la tribune, soit simultanément, soit alternativement. L'avantage envisagé est l'économie du personnel. Mais n’y aurait-il pas d’inconvénients au point de vue artistique?
Jusqu’ici, faute de ressources, les deux orgues de l’église de Corbeil n’ont pas encore été reliées.
L’instrument sorti des mains du facteur n’est qu’une machine muette ;
la parole de l’orgue est le secret de l’organiste.
L’instrument chante ou pleure, parle ou soupire, selon le génie de l’artiste.
Quels sont les artistes, nous ne saurions dire les virtuoses, qui, depuis 1659, ont su mêler l’harmonie des grandes orgues de l’église de Saint-Spire aux chants séculaires institués et consacrés par la liturgie ?Quels sont les organistes qui, depuis cette époque, se sont succédé pour faire parler les claviers, animer les multiples tuyaux, marier entre eux leurs timbres si divers à l’imitation des bruits de la nature dont l’orgue est le résumé, et qui, sur leurs ordres, ont fait ces harmonies s’épandre en ondulations profondes sous les voûtes de l’antique collégiale royale.
La liste en est longue.
Nous n’en citerons qu'un seul, parce que, à son talent qui était grand,
à sa science musicale et à sa connaissance de la liturgie, il joignait une foi profonde et une piété intense:
c’est Jean-Baptiste Mauzaisse.
« Quand - dit D’Ortigue dans son Dictionnaire de plein chant - l’organiste se fait l’interprète des textes sacrés,
quand il les traduit en harmonies mâles, grandioses;
quand ses mélodies sont le rejaillissement de ses prières intérieures;
quand il s’empare tout à coup de la harpe du saint roi David,
de la lyre lugubre de Jérémie et chante avec saint Jean l’Hosanna sans fin,
c’est alors que l'art de l’organiste devient une véritable prédication,
que ses fonctions sont revêtues en quelque sorte d’un caractère sacerdotal;
c’est alors qu’en contemplant le colossal instrument, majestueusement assis sur les colonnes du grand portail,
l’instrument architectural faisant corps avec la basilique,
le fidèle peut s’écrier : Vivum Dei Organum ! ;
c’est là aussi l’organe de la parole sainte; c’est là une chaire de vérité,
car l’enseignement qui en découle, pour passer dans les sens,
n’en arrive que plus sûrement à l'âme.»
Jean-Baptiste Mauzaisse est né à Corbeil le 2 avril 1750.
Pendant plus d’un quart de siècle, il toucha le grand orgue de l’église Saint-Spire. Dans l’acte de mariage de sa sœur Marie-Jeanne, célébré à l’église Notre-Dame de Corbeil le 29 avril 1777, Jean-Baptiste Mauzaisse est qualifié d’organiste du chapitre royal de Saint-Spire. Il y est encore en 1793. En 1800, dès que le grand orgue saccagé pendant la Révolution eut été réparé, Mauzaisse reprit son service d’organiste à titre gratuit. Notons cependant qu'une allocation lui fut accordée le 24 avril 1810 par le Conseil de fabrique, tant pour les petites réparations de l’instrument que pour indemnité de son emploi les jours de fête, Mauzaisse dont la santé paraissait décliner donna sa démission d’organiste dans le courant de novembre, la même année. Il fut remplacé le 16 décembre suivant par Heussler, professeur de clavecin à Corbeil.
Le portrait de Mauzaisse a été lithographié. Les deux lignes du titre de ce portrait sont suivies de la notice suivante: « Dès sa jeunesse, il consacra son temps aux chants de l'Église. Il acquit de grandes connaissances sur ce sujet. Il eut la patience et le courage de noter, non seulement les intonations des psaumes, mais encore de toutes les hymnes et les proses entières de toute l’année qui se chantent dans les paroisses, pour éviter à ceux qui n’ont pas l’usage dans cette partie, le désagrément de s’interrompre et de détonner.»
Auteur infatiguable de cet ouvrage, il ose compter sur la reconnaissance de ceux qui sont destinés à suivre cette profession, le suffrage des connaisseurs sera pour lui une précieuse récompense de ses longs travaux. Une autre notice fait connaître que l’expérience qu’il acquit dans sa profession lui mérita, à différentes époques, le titre d’organiste de Corbeil et dans les départements de l’Indre et de la Nièvre, et en 1817, celui de maître des enfants de chœur de la paroisse de Saint-Etienne-du-Mont, à Paris. J.-B. Mauzaisse décéda à Paris en 1825. Il fut le père du peintre célèbre de ce nom.
Emile CREUZET,
Membre de la Commission des antiquités et des arts de Seine-et- Oise.
[1] Communication faite et lue à la conférence des sociétés savantes de Seine-et-Oise, tenue à Mantes le 31 mai 1924.
[2] Archives départementales, E. 6897. Pièce 53.
[3] Le sommier d’un orgue est le centre de toutes les parties organiques de l'instrument, leur résumé.
[4] Minute Aubry, notaire à Corbeil, Archives de Seine-et-Oise, E. 6897. Pièce 100.
[5] Archives de Seine-et-Oise, E. 6898, pièces 45.
[6] Minute de M° Aubry, notaire à Corbeil, Archives de Seine-et-Oise, E. 6897, pièce 139
[7] Cette abbaye n'eut un grand orgue qu'en 1663
[8] M. Louis-Auguste-Victor Dobigny, né à Paris le 25 août 1822, installé le 24 octobre 1875 est décédé le 8 novembre 1885.